Charles Magne
Fils de Raymond et de Jouanna Penaud, Charles Magne est né à la Jaubertie le 5 septembre 1888, dans la ferme habitée aujourd'hui par sa petite-fille.
Il s'est marié à 25 ans avec sa cousine Marie Magne, née aux Jeannetoux, fille de Raymond et de Jeanne Lacour.
Leur fille Elise vient d'avoir un an lorsqu'il est tué, le 21 décembre 1914 à Jonchéry sur Suippes (Marne).
Son épouse, sa fille, puis ses petites filles ont soigneusement conservé quelques douloureux souvenirs et en particulier les lettres de ses compagnons qui avaient eu la terrible mission d'annoncer la funeste nouvelle.
Le portrait ci-contre est un montage ou un tirage, réalisé en 1916 par E. Dorsène, photographe à Périgueux.
Mobilisé le 2 août 1914, il rejoint le 63e Régiment d'Infanterie à Limoges dans lequel figure bon nombre de périgourdins.
Le journal des marches et opérations, publié sur le site "Mémoire des hommes", permet de suivre, jour après jour, la vie de l'unité. Le résumé qui suit est extrait de ce document extrêmement précis.
Le 6 août, ce régiment est transporté par train jusqu'à Valmy puis il est positionné en arrière du 78e RI dans les défilés de l'Argonne. Le 11, après une marche pénible sous la chaleur, il rejoint Varennes.
Les premiers contacts avec des patrouilles de cavaliers ennemis ont lieu le 17 août, sans pertes. Le 20 août, le 63e RI quitte le cantonnement de la Ferté pour se rendre au sud de Williers d'Orval sur la frontière belge.
Les combats de Belgique et la retraite
Le 22, le régiment est à Menugoutte au contact d'un détachement allemand mais ne l'attaque pas, l'ordre de repli arrive le lendemain, les violents combats sur le front belge provoquent la retraite. Le 24, le 63e est à Blagny pour soutenir le 50e Ri de Périgueux qui a subi de lourdes pertes, les combats sont furieux, plusieurs charges à la baïonnette sont exécutées sous le feu de l'artillerie et des mitrailleuses. Lorsque le bataillon le plus engagé se replie sur Blagny "en ramenant à peu près tous ses blessés", il a perdu 95 soldats : 5 tués, 76 blessés, 14 disparus...
Le 26 août, le régiment se replie sur la rive gauche de la Meuse et commence à creuser des tranchées qu'il n'occupe pas car la retraite continue par une marche de nuit sous la pluie. Le 28, une tentative de contre-attaque échoue devant un ennemi supérieur en nombre, la retraite se fait sous un feu nourri, les pertes sont considérables : 9 officiers (2 tués, 2 disparus, 5 blessés) et 724 hommes (25 tués, 256 disparus, 443 blessés)...
Le 3 septembre, le 1er bataillon se replie sur Suippes, "il forme l'arrière-garde des troupes françaises qui viennent de rompre le combat" (46 blessés, 23 disparus).
La bataille de la Marne
L'ordre général du général Joffre annonce la reprise prochaine de l'offensive, c'est début de ce qui restera dans l'Histoire sous le nom de Bataille de la Marne pour sauver Paris.
Le 4 septembre, à Marson, une colonne allemande (cavalerie, infanterie, mitrailleuses et artillerie) provoque de nouvelles pertes : 3 tués, 60 blessés, 6 disparus. Les rescapés sont embarqués le 5 septembre et retrouvent un cantonnement "pour la première fois depuis le 20 août". Le répit ne dure pas, la bataille de la Marne est lancée, le 63e repousse une attaque le 8 septembre et provoque de lourdes pertes à l'ennemi qui se replie.
Le 11 septembre, le régiment reçoit un important renfort venant du dépôt pour combler les vides provoqués par un mois de combats...La poursuite de l'armée allemande en repli se poursuit, Coulvagny le 13, Gizancourt le 14, Ste Ménehoult et Dommartin le 15, Wargemoulin le 16.
Les tranchées
Le 17 septembre, le mouvement est arrêté à cause des travaux de fortifications effectués par l'ennemi. C'est le début de la guerre des tranchées. Après trois jours de repos au camp de Mourmelon, le 63e est en première ligne pour la défense de Reims. Le 22 septembre, un obus de mortier de 210, tue 22 hommes et en blessent autant. Les jours suivants, les attaques ne permettent que des progressions de quelques centaines de mètres. "La 5e compagnie, seule, perd 55 blessés et 20 tués". Le 26 septembre, au lever du jour, les avant-postes voient à 100 mètres une ligne d'infanterie allemande qui charge à la baïonnette et qui les déborde très rapidement. Après l'effet de surprise, le renfort de l'artillerie provoque le repli allemand, mais 11 officiers et 559 hommes sont tués ou blessés.
Au début d'octobre, le 63e occupe les tranchées en avant de la Suippes, vers Aubérive et St Hilaire le Grand, avant d'être remplacé par le 78e RI et de prendre son cantonnement à Jonchery le 15. Encore un répit de courte durée puisque dès le 17 il relève le 126e RI dans les tranchées d'Aubérive et jusqu'au 129 décembre se succèdent escarmouches, patrouilles, fusillades d'une tranchée à l'autre, sans gain de terrain. Les tranchées sont améliorées, des lignes téléphoniques sont établies entre les tranchées et les postes de commandement.
Le combat de Jonchéry
Le 20 décembre un ordre du général Joffre annonce la reprise générale de l'offensive ..."vous avez vaincu sur la Marne, sur l'Yser [...] vous saurez vaincre encore jusqu'au triomphe définitif !"
Le 63e RI est chargé d'attaquer aux côtés du 78e après une préparation d'artillerie qui doit détruire les réseaux de barbelés et les tranchées adverses. La réplique de l'artillerie allemande et le mauvais réglage de l'artillerie française perturbent le plan, l'assaut est donné à l'heure prévue alors qu'aucune brèche n'est ouverte, les soldats sont fauchés dès leur sortie de la tranchée, quelques uns parviennent près des tranchées allemandes où ils sont abattus. Après une demi heure de combat "le terrain est jonché de morts et de blessés, les compagnies d'assaut ont perdu presque tous leurs officiers et sous-officiers" , les rares survivants se terrent en attendant de pouvoir rejoindre leur tranchée de départ à la faveur de la nuit.
Charles Magne faisait partie de la 1ère compagnie sous les ordres du capitaine Louis Capon.
Le bilan est terrible, le régiment a perdu plus de 400 hommes dans ce combat engagé inutilement, après une préparation inadaptée, pour un gain territorial nul.
Le combat de Ponchéry avait eu lieu le 21 décembre. Dès le 23 (cf. cachet de la poste militaire), le caporal Charles Robert (12e escouade, 1ère compagnie) écrivait aux parents de Charles Magne :
Les services du courrier fonctionnaient bien puisque dès le 4 janvier 1915, en réponse à une lettre de la jeune veuve en date du 29 décembre, Charles Robert précise les circonstances de la mort de Charles :
Marie Magne a dû écrire à d'autres compagnons de Charles pour mieux connaître les circonstances de sa mort et se convaincre de la triste réalité, puisque le 16 janvier, un autre soldat du même régiment, lui répond dans un français hésitant (et transcrit sans corrections) qui nous rappelle que la langue maternelle était "le patois" et que les études primaires s'interrompaient en général à 12 ans :
La famille conservera dans un cadre un diplôme et deux médailles commémoratives : à gauche la médaille interalliée, dite médaille de la victoire, et à droite la médaille commémorative 1914-1918 dite médaille des Poilus, créée en 1920 et attribuée à tous les militaires sous les drapeaux entre le 2/08/1914 et le 11/11/1918.
Pour la jeune veuve et sa petite fille d'un an, il faut vivre, travailler avec ses parents et beaux-parents, petits propriétaires pratiquant une agriculture de subsistance. Il faut aussi essayer d'obtenir des aides, les premiers secours aux veuves sont versés en juin 1915 et en attendant la liquidation de la pension de veuve de guerre, Marie Magne sollicite l'intervention du député pour obtenir une aide...